France

Accord franco-britannique sur les migrants : controverse sur le financement de places d’accueil

L'accord signé par les ministres de l'Intérieur des deux pays prévoit, outre le renforcement de moyens policiers dans le Nord, un «investissement dans des centres d'accueil dans le sud de la France», un point qui a suscité des critiques de la droite.

Sujet de frictions récurrentes entre la France et le Royaume-Uni, la lutte contre l’immigration illégale a fait l’objet d’un nouvel accord de coopération signé le 14 novembre à Paris entre les deux pays pour enrayer les traversées de la Manche par des migrants, toujours plus nombreux à tenter ce dangereux périple.

La barre record de 40 000 migrants ayant traversé la Manche depuis le début de l’année 2022 a été franchie le 13 novembre, selon le gouvernement britannique. 

Le nouvel accord s’inscrit dans le cadre du traité «Sandhurst», signé en janvier 2018 par Paris et Londres, et prévoit une douzaine d’actions, dont un renforcement des moyens de surveillance et une meilleure coopération en matière de renseignement.


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Les deux points principaux de l’accord portent sur le versement par les Britanniques d’une enveloppe de 72,2 millions d’euros à la France pour la période 2022-2023. L’Hexagone, en contrepartie, s’engage à augmenter de 40% ses forces de sécurité (soit 100 policiers et gendarmes supplémentaires) dédiées à la surveillance des plages d’où partent les migrants à destination des côtes britanniques.

L’accord prévoit également le financement de «chiens de détection» dans les ports et l’installation de caméras de surveillance aux principaux points de passage frontaliers le long du littoral, ainsi que le déploiement d’équipes d’observateurs de part et d’autre de la Manche afin «de renforcer la compréhension commune» entre les deux pays.

Aucun objectif chiffré d’interceptions de bateaux, comme le souhaitait le Royaume-Uni selon la presse outre-Manche, n’apparaît cependant dans la déclaration commune des ministres français et britannique de l’Intérieur. «Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous pouvons espérer résoudre ce problème complexe. Je voulais remercier Gérald et son équipe pour leur travail et leur coopération», a tweeté, en français, la ministre britannique de l’Intérieur.

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L’accord comporte aussi un point relatif à «l’investissement [par les Britanniques] dans des centres d’accueil dans le sud de la France», afin de dissuader les migrants qui traversent la Méditerranée de remonter jusqu’à Calais et leur «proposer des alternatives sûres». Si le nombre de places n’est pas précisé dans la déclaration, la droite n’a pas tardé à réagir pour fustiger cet engagement pris par le ministre de l’Intérieur.

Le député Les Républicains  Eric Ciotti est monté au créneau en qualifiant ce point de l’accord de «folie absolue». «Après le fiasco de Calais, [Emmanuel] Macron s’attaque au Sud de la France !», a dénoncé l’élu des Alpes-Maritimes, ajoutant que la France «n’a pas les moyens d’intégrer cette immigration massive irrégulière».

Pour le Rassemblement national, le député de l’Yonne Julien Odoul a estimé sur Cnews que la construction de ces centres pour migrants est le résultat «d’une politique de la soumission» de la part du gouvernement et de l’Union européenne, qui partageraient un «projet global» visant à encourager l’immigration, notamment face aux problèmes démographiques du continent. L’élu a prôné une politique de fermeté visant «à couper les pompes aspirantes de l’immigration» en n’accordant ni aides sociales, ni logements, sur le modèle australien.

«Encore une fois, les dindons de la farce migratoire, c’est nous !», s’est insurgé l’eurodéputé et membre de Reconquête Gilbert Collard.

«Quand les Anglais et les Danois décident de confier au Rwanda le soin de garder leurs demandeurs d’asile, Darmanin choisit, en catimini, de les installer dans le Sud de la France», a pour sa part dénoncé le leader de Reconquête Eric Zemmour, en évoquant le choix de ce pays d’Afrique par Londres et Copenhague pour y envoyer les demandeurs d’asile.

«L’accueil de l’Ocean Viking n’était pour lui qu’un début. Nos portes sont donc grandes ouvertes», a-t-il ajouté en référence au navire chargé de migrants dont l’accueil a généré de nouvelles tensions diplomatiques entre Paris et Rome, avant que la France ne finisse par annoncer accueillir l’embarcation.

«Il faut toujours renforcer la coopération», a réagi pour sa part la maire Les Républicains de Calais Natacha Bouchart en se refusant à parler d’un «mauvais» accord sur BFM TV. Elle a cependant critiqué à la fois une forme d’«hypocrisie» du Royaume-Uni, qui se préoccupe peu à ses yeux de la situation sur le littoral français, ainsi que l’absence d’un volet dédié à la justice. Selon l’édile, le renforcement des effectifs des policiers n’est en effet pas suffisant «s’ils n’ont pas les outils» correspondants, du côté de la justice, pour «condamner fermement les passeurs et les organisations» qui profitent de cas vagues de migrants. Ce point aveugle risque de condamner les forces de l’ordre à «l’impuissance», d’après Natacha Bouchart.

Cet accord survient alors que les deux gouvernements sont mis sous pression sur la question migratoire. En France, Gérald Darmanin, accusé par la droite de ne pas assez expulser les étrangers interdits de séjour sur le territoire, se prépare à présenter début 2023 un projet de loi visant à durcir les procédures d’asile, alors que des projets d’accueil de migrants tels que celui envisagé à Callac (Côtes d’Armor) ont déjà donné lieu à plusieurs manifestations.

Au Royaume-Uni, le parti conservateur au pouvoir a fait du contrôle de l’immigration une priorité depuis le Brexit, mais se heurte à la courbe exponentielle des traversées illégales. Après des années de querelles, parfois virulentes, sur la question migratoire, notamment lorsque Boris Johnson et Liz Truss occupaient le poste de Premier ministre, le nouvel exécutif britannique a adopté un ton plus conciliant avec le gouvernement français, appelant à une relation plus «constructive». Lui-même petit-fils d’immigrés indiens, le Premier ministre Rishi Sunaka a adopté une position stricte sur l’immigration, soutenant le projet controversé des gouvernements conservateurs précédents d’envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda, toujours suspendu à un examen par la justice.

L’accord «ne s’attaque pas aux facteurs qui poussent les hommes, les femmes et les enfants à entreprendre des voyages dangereux pour rejoindre le Royaume-Uni et ne fera donc pas grand-chose pour mettre fin aux traversées», a regretté de son côté l’ONG britannique Refugee Council.




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